ACTUALITÉS JURIDIQUES

Les règles juridiques évoluent sans cesse.

Tous les jours, de nouvelles dispositions législatives entrent en vigueur et transforment notre quotidien. Dans le même temps, les tribunaux rendent des décisions importantes qui bien souvent apportent bon nombre de précisions sur l’application de notre droit.

Seule une veille juridique quotidienne et méthodique permet de suivre l’ensemble de ces évolutions. Afin que vous puissiez avoir connaissance de cette actualité, voici une sélection des informations juridiques les plus importantes que le Cabinet s'attache à commenter chaque semaine.

Bonne lecture.

Infraction avec un véhicule de la société : précision

Depuis le 1er janvier 2017, lorsqu'une infraction routière constatée par un appareil de contrôle automatique a été commise avec un véhicule immatriculé au nom d’une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer dans un délai de 45 jours à compter de la remise de l'avis de contravention, l'identité du conducteur. A défaut, la contravention de non-désignation est constituée.
Dans une récente affaire jugée par la Cour de cassation, une société avait procédé à cette désignation, mais l’auteur désigné contestait être le conducteur responsable de l’infraction (excès de vitesse).
Pour sa défense, l’entreprise avait alors fourni le document de remise du véhicule et l’état récapitulatif des attestations d’assurance faisant apparaitre l’immatriculation de la voiture de fonction, le nom du salarié et sa signature.

Ce dernier a donc fini par être déclaré coupable de l’infraction, n’ayant désigné aucun un autre conducteur et ne démontrant pas qu’il était dans l’incapacité de conduire le véhicule le jour de l’infraction.

Cour de cassation, chambre criminelle, 13 février 2024, pourvoi n° 23-81.388


SAS : requalification en dirigeants de fait des membres du conseil de surveillance 

Une société par actions simplifiée (SAS) fait l’objet d’un redressement par l’URSSAF pour avoir omis d’intégrer à l’assiette des cotisations sociales les rémunérations versées au président et au vice-président du conseil de surveillance de la société.
La société conteste, arguant de ec que les rémunérations litigieuses ne relèvent pas de la Sécurité sociale pour une double raison : d'une part, seuls les présidents et dirigeants de SAS doivent être affiliés au régime général de la Sécurité sociale (Code de la Sécurité sociale)
 ; d’autre part, conformément aux statuts sociaux, le conseil de surveillance ne dispose d’aucun pouvoir de gestion, pas plus que d’administration. En vain.
Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle qu'ayant pour seule mission de contrôler les organes de direction de la société sans en assumer la gestion, les membres du conseil de surveillance n’ont en principe pas la qualité de dirigeants. Elle précise toutefois, qu’il en va différemment s’il est démontré que les membres du conseil de surveillance exercent en réalité une fonction de direction. Or, tel était le cas en l'espèce !


Cour de cassation 2ème chambre civile, 1er février 2024, pourvoi n° 21-25.175


Pacte d'actionnaires : l'acte non daté se prouve par tout moyen 

​​​​​​​Les associés d'une SARL concluent, par un acte sous seing privé, un pacte d'associés stipulant une clause de non-concurrence à l'égard de la société.
Huit ans plus trad, l’un des cosignataires de cet acte perd la qualité d’associé. Invoquant
 la violation par celui-ci de son obligation de non-concurrence, la SARL l’assigne alors devant les tribunaux en responsabilité.
Pour sa défense, l’intéressé soutient ne pas être lié par le pacte 
dès lors que le texte mentionne que l'obligation de non-concurrence prendra effet à la date de sa signature. Or, si le pacte est bien signé, il ne comporte pas de date.
Les juges sont sensibles à cet argument et rejettent donc l’ensemble des demandes de la société.
Mais cette décision est censurée par la Cour de cassation. Au visa de l'article 1328 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, les Hauts magistrats rappellent en effet que si un acte sous seing privé n'a de date 
contre les tiers que du jour où il a été enregistré, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui l'ont souscrit, ou du jour où sa substance est constatée dans un acte dressé par un officier public, en revanche, entre les parties à un acte non daté dont l'existence n'est pas contestée, la preuve de sa date peut être faite par tout moyen.


Cour de cassation, chambre commerciale, 20 mars 2024, pourvoi n° 23-11.844

SA : effets de l'abandon de la gouvernance dualiste

Lors du Conseil d'administration d'une société anonyme (SA), les administrateurs votent à l'unanimité la réunion des fonctions de président et de directeur général entre les mains du président du Conseil d'administration.
Soutenant que la cessation de ses fonctions procédait d'une révocation sans juste motif, le directeur général assigne alors la société en paiement de dommages et intérêts. En vain.
Saisie du litige, la Cour de cassation juge que la décision du Conseil d'administration d'une société anonyme de confier à son président la direction générale de la société, qui a pour effet de mettre fin aux fonctions jusqu'alors exercées par le directeur général, ne constitue pas une révocation de ce dernier, sauf à ce que celui-ci démontre que cette décision a été prise dans le but de l'évincer de son mandat social.
Or, en l'espèce, force est de constater que le directeur général n'a pas été révoqué de son mandat pour être remplacé par un nouveau directeur général, mais que son mandat dissocié de directeur général, qui n'existait que du fait de la gouvernance dualiste votée précédemment par les administrateurs, a été supprimé. Dès lors, son action ne saurait aboutir.


Cour de cassation, chambre commerciale, 4 avril 2024, pourvoi n° 22-19.991

Sort du contrat de travail d'un dirigeant à la fin de son mandat social

Le directeur commercial d'une société en est nommé président et son contrat de travail est alors suspendu. Quelques années plus tard, à la suite de la liquidation judiciaire de la société, son mandat social prend fin.
Il saisit alors la justice afin de voir reconnaître sa qualité de salarié et d'obtenir le versement par le liquidateur d'indemnités de licenciement.
Les juges rejettent ses demandes, retenant que le contrat de travail n'avait pas repris ses effets après l'ouverture de la procédure collective car l'intéressé avait entre-temps créé une autre société où il était supposé travailler ; ne se considérait plus comme salarié de la première société ; et ne s'était pas tenu à la disposition de son employeur après l'expiration de son mandat social.
La Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle en effet que 
le contrat de travail d'un salarié, suspendu lorsque celui-ci devient dirigeant, retrouve son plein effet quand le mandat social prend fin, même si l'intéressé ne s'est pas tenu à la disposition de la société et s'il a entre-temps créé une autre société.


Cour de cassation, chambre sociale, 13 décembre 2023, pourvoi n° 22-10.126


Sanction d'un dirigeant de fait d'une société en liquidation judiciaire

Le liquidateur judiciaire d’une société agit en justice contre l’ancien dirigeant de fait de cette société, en vue d’obtenir sa condamnation au comblement du passif et le prononcé d’une sanction personnelle à son encontre pour ne pas avoir demandé l’ouverture d’une procédure collective.
Par cette action, se posait alors la question de savoir si un dirigeant de fait qui ne sollicite pas l’ouverture d’une procédure collective peut être sanctionné alors que l’article 
R 631-1 du Code de commerce précise que la demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire doit être déposée par le représentant légal de la personne morale.
Saisie du litige, la Cour de cassation répond par l’affirmative et affirme ainsi qu’un dirigeant de fait peut demander l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.
A ce titre, les demandes du liquidateur judiciaire peuvent donc être accueillies. 


Cour de cassation, chambre commerciale, 7 février 2024, pourvoi n° 23-40.016

Une EURL peut opter pour l'IS dans ses statuts 


​​​​​​​Légalement, rappelons-le, une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) est placée sous le régime de l’impôt sur le revenu (IR) lors de sa création.
Toutefois, elle peut opter pour le régime de l’impôt sur les sociétés (IS), soit en cochant la case prévue à cet effet sur le formulaire à remplir lors de son immatriculation, soit, ultérieurement, par une lettre adressée au service des impôts dont elle relève.
Dans ce contexte, alors qu’elle n’avait jamais expressément opté pour le régime de l’IS, une EURL se voit néanmoins signifier un redressement fiscal au titre de cet impôt. Elle conteste. En vain.
Saisi du litige, le Conseil d’État juge qu’une EURL 
qui déclare dans ses statuts relever du régime de l'impôt sur les sociétés (IS) et qui, dès son premier exercice social, dépose ses déclarations de résultats sous ce régime d'imposition, est réputée avoir régulièrement opté pour cet impôt.
​​​​​​​Tel était le cas dans cette affaire. En conséquence, selon les Hauts magistrats, l'administration fiscale était bien en droit d'imposer la société à l'IS. 


Conseil d’État, 5 février 2024, affaire n° 470324

Précision sur le périmètre du devoir de conseil de l’expert-comptable 

Une société et son associé unique attaquent en justice leur expert-comptable. Ils lui reprochent d’avoir fait preuve de négligence et de manquement à son devoir de conseil en ne les alertant pas, notamment, sur des impayés et des délais de règlement trop longs qui ont conduit au redressement fiscal de la société.
Les juges, en première instance comme en appel, rejettent ces demandes.
Saisie du litige, la Cour de cassation confirme cette décision.
Force est en effet de constater 
que l’expert-comptable avait, ici, pour mission la tenue de la comptabilité, une aide à l'établissement des comptes annuels et la présentation des documents fiscaux et sociaux ponctuels et de fin d'exercice. Dès lors, son devoir de conseil n'impliquait pas d'alerter les dirigeants sur l'importance de l'encours client, les relances clients nécessaires et les délais de paiement.

Le périmètre d'action de l'expert-comptable dépend ainsi de l'étendue de sa mission qu’il convient donc, pour chaque dirigeant, de définir avec précision.

Cour de cassation, chambre commerciale, 14 février 2024, pourvoi n° 22-13.899


Cession de contrôle d'une société : solidarité (ou pas) des cédants ? 

Par actes séparés signés le même jour, trois des quatre associés d'une société cèdent leurs parts à une autre société. Le même jour, le quatrième associé vend aussi ses parts, pour partie à la société achetant la participation de ses coassociés et, pour partie, au dirigeant de cette société.
Chaque acte de cession comporte une garantie de passif, qui est mise en œuvre par les acquéreurs quelques années plus tard.
Saisis du litige, les juges condamnent solidairement les vendeurs à payer 107 500 € à la société et son dirigeant, à charge pour ces derniers de se répartir les fonds au prorata des parts acquises.

Cette décision est toutefois censurée par la Cour de cassation : dès lors que le dirigeant n’a acquis les parts que d’un des vendeurs, la solidarité dont bénéficie la société envers l’ensemble des cédants ne peut produire d’effet à son égard.
En statuant ainsi, les Hauts magistrats confirment ainsi la règle selon laquelle la solidarité est présumée en cas de cession de contrôle d’une société commerciale. Mais une limite doit être posée : seules les obligations nées de conventions ayant pour effet le transfert du contrôle sont solidaires.


Cour de cassation, chambre commerciale, 24 janvier 2024, pourvoi n° 20-13.755


Transmission d'entreprise et pacte Dutreil : précision

Les transmissions par décès ou donations de parts ou actions de sociétés ayant fait l'objet d'un engagement collectif de conservation (régime Dutreil) sont, sous certaines conditions, exonérées de droits de mutation (à hauteur de 75 % de leur valeur).
Entre autres conditions, l'un des héritiers, légataires, donataires ou associés ayant pris l'engagement individuel de conserver les titres reçus doit exercer dans la société, pendant la durée de l'engagement collectif et pendant les trois années qui suivent la transmission, son activité professionnelle principale ou une fonction de direction.

S'en tenant à une application littérale du texte, la Cour de cassation vient de préciser que, dans l'hypothèse d'un engagement collectif réputé acquis, le bénéfice de l'exonération partielle ne trouve pas à s'appliquer lorsque, postérieurement à la transmission, le donateur assure lui-même la fonction de dirigeant de la société.

Cour de cassation, chambre commerciale, 24 janvier 2024, pourvoi n° 22-10.413

Action en concurrence déloyale et prescription

Une société exploitant une supérette assigne en concurrence déloyale un exploitant agricole. Elle lui reproche de vendre des produits en violation de la réglementation en vigueur (l’exploitant agricole prétendant vendre exclusivement des produits de la ferme, alors que ce n’est pas le cas).
L’exploitant se défend et soulève la prescription de l’action menée à son encontre. Il finira par avoir gain de cause.
Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle en effet que, d’une part, le point de départ de la prescription quinquennale de l’action en concurrence déloyale se situe au jour où la société a connu ou aurait dû connaître les faits reprochés et, d’autre part, que la poursuite des agissements anticoncurrentiels dans la durée n’a pas pour effet de décaler le point de départ du délai de prescription de l’action.
Rapportés aux faits d’espèce, force est donc de constater que l’action en concurrence déloyale menée par la société exploitant la supérette est prescrite.


Cour de cassation, chambre commerciale, 15 novembre 2023, pourvoi n° 22-21.878


SCI : de l’importance de l’objet social statutaire

Trois associés constituent une société civile immobilière (SCI) dont ils deviennent cogérants. L’objet social de cette SCI s’entend alors comme « l’acquisition, la propriété, l’administration, l’exploitation de tous biens immobiliers, la prise à bail à construction de tous immeubles en vue de la location ainsi que toutes opérations juridiques, administratives, financières et de gestion à caractère mobilier ou immobilier concourant directement ou indirectement à la réalisation de l’objet ».
L'un des gérants de la SCI vend un immeuble appartenant à celle-ci. Soutenant que cette vente dépasse les pouvoirs du gérant qui l’a conclue, l’opération n’étant pas comprise dans l’objet social, un autre cogérant de la SCI demande son annulation.
La Cour de cassation lui donne raison : la vente de l'immeubles excédait les pouvoirs du gérant dès lors que l’énumération statutaire des opérations comprises dans l’objet social ne comportait pas la vente de biens immobiliers de sorte cette opération aurait dû être décidée à l’unanimité des associés.


Cour de cassation, 3ème chambre civile, 23 novembre 2023, pourvoi n° 22-17.475


Bail commercial et offre de renouvellement : précision

Dans une décision importante, la Cour de cassation est venue juger qu’un congé comportant offre de renouvellement du bail commercial, mais proposant (hors le prix) de nouvelles clauses et conditions, différentes de celles du bail expiré, doit être requalifié. Ce congé doit en effet s’analyser comme un congé avec refus de renouvellement. Il ouvre ainsi droit à indemnité d’éviction pour le locataire.
Dans l’affaire en question, le bailleur avait déclaré dans son congé accepter le principe du renouvellement mais en modifiant la contenance des lieux loués ainsi que les obligations d’entretien du locataire.
Saisis du litige, 
les juges avaient alors considéré que ce congé était nul et que le maintien dans les lieux des locataires, sans opposition du bail à l’expiration du bail initial avant leur départ volontaire, leur interdisait de demander le versement d’une indemnité d’éviction.
Cette décision a été censurée par la Cour de cassation qui estime qu’un congé avec offre de renouvellement à des conditions différentes du bail expiré (hors le loyer) vaut congés avec refus de renouvellement ouvre un droit à indemnité d'éviction.


Cour de cassation, 3ème chambre civile, 11 janvier 2024, pourvoi n° 22-20.872


Responsabilité pour insuffisance d'actif au sein d'une SAS 

Une procédure de liquidation judiciaire est ouverte contre une société par actions simplifiée (SAS) dont le capital est détenu par une société, elle-même filiale d'une holding, et dont la direction est assurée par une troisième société.
Le liquidateur judiciaire de la SAS poursuit en responsabilité pour insuffisance d'actif ces trois sociétés en qualité de dirigeantes de droit (s’agissant de la société présidente de la SAS) et de fait (s’agissant de la société mère et de la holding), ainsi que leurs représentants légaux.
En réponse, les représentants légaux soutiennent qu'ils ne peuvent pas être poursuivis faute d’avoir été désignés en tant que représentants permanents des personnes morales comme le prévoit l'article L 651-1 du Code de commerce. En vain.
Lorsqu'une SAS en liquidation judiciaire a pour dirigeant de droit ou de fait une personne morale,
la 
responsabilité pour insuffisance d'actif est encourue par la personne morale dirigeante et par son représentant légal en l'absence d'obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent de la personne morale dirigeante au sein d'une SAS.


Cour de cassation, chambre commerciale, 13 décembre 2023, pourvoi n° 21-14.579


Le droit de préemption commercial resserré pour les communes

Une auto-école souhaite céder son droit au bail commercial à sa voisine, une société qui exploite déjà un commerce de boucherie et qui souhaite s’agrandir. Toutefois, le maire exerce son droit de préemption au nom de la commune sur le fondement de l’article L 214-1du Code de l’urbanisme.
Pour rappel, cet article permet à une commune de délimiter, par délibération motivée, un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, à l’intérieur duquel les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de commerce ou de baux commerciaux, sont soumises au droit de préemption.
L’acquéreur conteste. Il finira par avoir gain de cause.  Pour exercer son droit de préemption dans un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, la commune doit justifier de la réalité d’un projet et en mentionner la nature dans la décision de préemption. Or, en l'espèce, la décision de préemption se bornait à se référer à la délibération du conseil municipal, sans préciser la nature du projet poursuivi par la commune.

Conseil d’État, 15 décembre 2023, affaire n° 470167

Fonds de commerce : le vendeur doit délivrer la clientèle convenue

Après avoir acquis une branche d'activité d’une entreprise, la société acquéresse découvre qu'un certain nombre de contrats de prestation de services figurant sur la liste des contrats en cours, annexée à l'acte de cession, avaient été résiliés. Mécontente, elle réclame donc au vendeur le paiement d'une somme correspondant au montant des contrats résiliés et des dommages et intérêts.
Mais pour les juges, le vendeur a bien rempli son obligation de délivrance de la clientèle en annexant à l'acte de cession la liste des contrats cédés comportant les coordonnées des clients.

Censure de la Cour de cassation ! Les Hauts magistrats rappellent en effet que la clientèle est un élément du fonds de commerce. Dès lors, la délivrance de la clientèle attachée au fonds de commerce vendu n’est pas totale si une partie des contrats en cours mentionnés en annexe de l’acte de vente sont en réalité résiliés

Cour de cassation, chambre commerciale, 13 décembre 2023, pourvoi n° 22-10.477


Transmission d'entreprise : le montant de l'abattement relevé 

La cession ou la donation, en pleine propriété, de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de fonds agricoles, de clientèles d'une entreprise individuelle ou de parts ou actions d'une société peut, sous certaines conditions, bénéficier d’un abattement de 300 000 € applicable aux droits d'enregistrement et aux droits de mutation à titre gratuit lorsqu’elle est réalisée au profit de salariés ou de proches du cédant.
Afin d’encourager ces reprises d’entreprise, en interne ou dans la famille, la loi de finances pour 2024 a relevé le montant de ces abattements de 300 000 à 500 000 € pour les cessions et donations réalisées à compter du 1
er janvier 2024.

Loi de finances pour 2024

Vente d'un local commercial et droit de préférence du locataire

Par jugement d’adjudication, un local commercial est vendu à une société. Quelques jours plus trad, le locataire déclare exercer son droit de préemption sur le local adjugé. A l’appui de démarche, il rappelle l’article L 145-46-1 du Code de commerce qui dispose que lorsque le propriétaire d'un local commercial ou artisanal loué envisage de le vendre, le locataire bénéficie d’un droit de préférence légal pour se porter acquéreur. En vain.
Saisie du litige, la Cour de cassation, après avoir rappelé que les dispositions de l’article L 145-46-1 du Code de commerce sont d’ordre public, juge qu'elles ne sont toutefois pas applicables aux ventes faites d’autorité de justice. Dès lors, un locataire commercial ne peut pas faire jouer son droit de préférence légal lorsque le local visé a fait l’objet d’une adjudication dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière. 

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 30 novembre 2023, pourvoi n° 22-17.505

Mandat ad hoc : précision sur la confidentialité de la procédure

Après avoir bénéficié d’une procédure de mandat ad hoc, une entreprise, en cessation des paiements, sollicite sa mise en redressement judiciaire. Dans le cadre de l’examen de sa demande d’ouverture de la procédure collective, les juges ordonnent la communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc. Mais l’entreprise, faisant valoir la confidentialité de cette procédure, conteste le jugement ayant levé la confidentialité du mandat ad hoc. En vain.
Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte des articles L. 621-1, alinéas 5 et 6, et L. 631-7 du Code de commerce, que le tribunal saisi d’une demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard d’un débiteur qui bénéficie ou a bénéficié d’un mandat ad hoc ou d’une procédure de conciliation dans les dix-huit mois qui précèdent, peut, d’office ou à la demande du ministère public, obtenir communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc ou à la conciliation, nonobstant les dispositions de l’article L. 611-15 du même Code.


Cour de cassation, chambre commerciale, 22 novembre 2023, pourvoi n° 22-17.798


Société en formation et reprise d’acte : règle assouplie

De jurisprudence constante, la Cour de cassation jugeait, depuis de nombreuses années, que seuls étaient susceptibles d'être repris par la société, après son immatriculation, les engagements expressément souscrits « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation. Dès lors, étaient nuls tous les actes passés « par » la société elle-même, même s'il ressortait des mentions de l'acte ou des circonstances que l'intention des parties était que l'acte soit accompli en son nom ou pour son compte.
Par une décision du 29 novembre 2023, la Cour de cassation est venue changer la donne. Elle décide d’assouplir cette jurisprudence en reconnaissant au juge le pouvoir d’apprécier souverainement, compte tenu de l’ensemble des circonstances, si la commune intention des parties n’était pas que l’acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation, permettant dès lors à cette société de reprendre les engagements souscrits, une fois la personnalité juridique acquise.

Cour de cassation, chambre commerciale, 29 novembre 2023, pourvoi n° 22-18.295


AG : une décision prise à l'unanimité ne peut pas être abusive

L'associé majoritaire et gérant d'une société par actions simplifiée (SAS) consent, avec le concours de l'associé minoritaire, une promesse de cession de la totalité des actions de la société au profit d’un tiers. Peu de temps avant la réitération de la promesse, l'assemblée générale de la SAS décide, à l'unanimité, d'octroyer une prime exceptionnelle de 83 000 € au dirigeant. Quelques mois plus tard, la société, dont le cessionnaire des parts est devenu le dirigeant, refuse de verser cette somme. La SAS et le nouvel acquéreur demande alors l'annulation pour abus de majorité de l'assemblée générale ayant attribué la prime. En vain.Saisie du litige, la Cour de cassation juge qu'une décision prise à l'unanimité des associés d'une société ne peut pas être constitutive d'un abus de majorité.

Cour de cassation, chambre commerciale, 8 novembre 2023, pourvoi n° 22-13.851

Les usages d'une profession sont-ils opposables aux tiers ?

Une société accepte un devis de 80 500 € pour la fabrication et la pose d'armature en acier en vue de la construction d'une plateforme logistique. Un mois plus tard, un nouveau devis est établi par le fabricant pour le même chantier mais pour des quantités et des prix différents. Soutenant que le contrat a ainsi été unilatéralement modifié, la société en demande la résiliation ainsi que la restitution des sommes versées. Le fabricant prend acte de cette demande mais retient sur les sommes versées une indemnité forfaitaire de 64 000 €, en application des usages professionnels de son secteur. La société conteste, arguant qu’elle relève d’un secteur différent. En vain.
​​​​​​​Les usages élaborés par une profession ont vocation à régir, sauf convention contraire, non seulement les relations entre ses membres, mais aussi celles de ces derniers avec des personnes étrangères à cette profession dès lors qu'il est établi que celles-ci, après en avoir eu connaissance, les ont acceptés. Or, dans cette affaire, le devis initial et la facture rappelaient que le contrat était soumis aux usages professionnels et conditions générales des armaturiers. 


Cour de cassation, chambre commerciale, 4 octobre 2023, pourvoi n° 22.15.685

Cession de fonds de commerce et droits de l'acquéreur
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Une société licencie pour faute grave un salarié. Celui-ci conteste la sanction en justice. Trois ans plus tard, la société transmet son fonds de commerce à une autre société. Cette dernière intervient alors volontairement dans l’instance en appel relative au licenciement pour réclamer à l’ancien salarié des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’il a causé.
​​​​​​​Les juges fond droit à cette demande, mais leur décision est censurée par la Cour de cassation. Les hauts magistrats rappellent en effet leur jurisprudence antérieure et jugent donc qu’en l'absence de clause expresse, et sauf exceptions prévues par la loi, la cession d'un fonds de commerce n'emporte pas de plein droit celle des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d'engagements initialement souscrits par lui, ni celle des créances qu'il détenait antérieurement à la cession. Autrement dit, soit la société cessionnaire 
dispose dans le contrat constatant la cession d’une clause expresse lui permettant de récupérer les obligations antérieurement souscrites par la société qui détenait le fonds de commerce, soit dans le silence du contrat, lesdites obligations ne peuvent pas être transmises.


Cour de cassation, chambre commerciale, 25 octobre 2023, pourvoi n° 21-20.156


Rupture des relations commerciales : droit à indemnités ?

Une association confie à une société la communication et la publicité relatives à une foire nationale qu'elle organise deux fois par an. Elle notifie à la société la rupture sans préavis de leurs relations au bout de 34 ans. Saisis du litige, les juges condamnent alors l’association à payer 150 000 € de dommages-intérêts à la société pour rupture brutale des relations contractuelles au motif que la résiliation unilatérale d'un contrat à durée indéterminée peut être effectuée sans motif, pourvu qu'un délai de préavis raisonnable soit respecté, ce qui n'avait pas été le cas en l'espèce. Mais la Cour de cassation censure cette décision. Les parties étaient en réalité liées par un mandat civil. Or, en application de l'article 2004 du Code civil, un mandat peut être révoqué par le mandant à tout moment et sans que des motifs aient à être précisés, l'abus dans l'exercice de ce droit de révocation ne pouvant être retenu que si celui qui l'allègue prouve l'intention de nuire de son auteur ou sa légèreté blâmable.

Cour de cassation, chambre commerciale, 4 octobre 2023, pourvoi n° 22-15.781


Bail commercial, clause résolutoire et mauvaise foi du bailleur


Saisi d’un litige entre un bailleur commercial et sa locataire, le juge des référés constate l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail et prononce l’expulsion de la locataire, à laquelle un délai pour se libérer du paiement de l'arriéré locatif en 24 mensualités est accordé avec suspension des effets de la clause résolutoire, sauf reprise immédiate de ceux-ci à défaut de paiement de l'arriéré ou d'un loyer à son terme selon l'échéancier fixé. Après délivrance d'un commandement de quitter les lieux, la locataire a finalement été expulsée. Mais cette dernière conteste, au regard du solde minime qui lui reste à régler par rapport à l’importance de la dette initiale. En vain. Il résulte de l’article L 145-41 du Code de Commerce que lorsqu’une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au titulaire d’un bail à usage commercial des délais pour régler un arriéré de loyers et le loyer courant en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, le non-respect de ces délais rend la clause définitivement acquise sans que la mauvaise foi de la bailleresse à s’en prévaloir puisse y faire obstacle.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 26 octobre 2023, pourvoi n° 22-16.216

Une société n’a pas à fournir un état comptable qu’elle ne détient pas

Afin de pouvoir estimer son préjudice avant d'engager une action en concurrence déloyale, le concurrent d’une société anonyme (SA) demande au juge des référés d’ordonner que celle-ci lui communique une situation comptable en cours d’exercice certifiée par son commissaire aux comptes. La SA s'y oppose en faisant valoir qu’elle ne dispose pas d’un tel document. Elle finira par obtenir gain de cause. Saisie du litige, la Cour de cassation juge que le juge des référés ne peut pas ordonner à une société de produire, à titre de mesure d’instruction avant un procès, une situation comptable en cours d’exercice qu'elle n'est pas tenue d'établir en vertu de la loi.

Cour de cassation, chambre commerciale, 27 septembre 2023, pourvoi n° 21-21.995

Erreur sur l'ordre des privilèges : conséquences 

A la suite de la vente d'un immeuble appartenant à une société en liquidation judiciaire, et en vue de la distribution du prix, le liquidateur de la société établit l'état de collocation des créanciers en vertu duquel il adresse à un créancier hypothécaire un dividende de près de 300 000 €. Puis il exige de ce créancier la restitution d'une partie de la somme (30 000 €) qui aurait dû être réglée, selon lui, prioritairement à l'AGS. L’intéressé conteste. En vain. Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle, au visa de l’article L 643-7-1 du Code de commerce, que le créancier qui a reçu un paiement à la suite d'une erreur sur l'ordre des privilèges doit restituer les sommes ainsi versées. Elle censure donc la décision des juges qui, pour rejeter la demande de restitution du liquidateur, avaient retenu que cette demande constituait en réalité une contestation de l'état de collocation enfermée dans le délai d'un mois de la publicité de son dépôt, et que le paiement intervenu en vertu d'un état de collocation n'était entaché d'aucune erreur dans l'ordre des privilèges qu'il avait réglé.

Cour de cassation, chambre commerciale, 4 octobre 2023, pourvoi n° 22-15.456

SA : pas d’action en responsabilité des actionnaires contre les dirigeants

Par un arrêt du 11 octobre 2023, la Cour de cassation rappelle que les actionnaires d’une société anonyme (SA) ne peuvent, au nom et pour le compte de la société, intenter d’autre action sociale en responsabilité que celle dirigée contre les administrateurs ou le directeur général (article L 225-252 du code de commerce). Par conséquent, elle considère que l’action en responsabilité contre les dirigeants de la société actionnaire majoritaire et de sa filiale n’est pas recevable. Dans cette affaire, une société d'explosifs ayant pour actionnaire majoritaire une autre société, avait conclu plusieurs conventions avec cette dernière et l'une de ses filiales, portant sur des prestations informatiques. Ces conventions ayant entrainé des conséquences préjudiciables pour la société, un actionnaire minoritaire avait alors assigné en responsabilité les dirigeants de la société, ainsi que ceux de la société actionnaire et de sa filiale. En vain. Ces dirigeants n'étant ni administrateurs, ni directeurs généraux, cette action a donc été jugée irrecevable. 


Cour de cassation, chambre commerciale, 11 octobre 2023, pourvoi n° 22-10. 271

Bail commercial : quand le locataire ne paye plus ses loyers 

Invoquant le non-paiement des loyers, le propriétaire d’un bail commercial agit contre son locataire en résiliation du bail. Le Locataire tente alors de se prévaloir de l’exception d’inexécution. A l’appui de sa démarche, il soutient que le propriétaire a manqué à son obligation de délivrance, au regard des nombreuses et importantes infiltrations présentes dans le local. En vain. Saisie du litige la Cour de cassation juge que le locataire commercial ne peut pas invoquer l'exception d'inexécution pour suspendre le paiement des loyers sur le fondement d'infiltrations affectant le local loué : encore faut-il en effet établir que ces infiltrations ont rendu le local impropre à l'usage auquel il est destiné !

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 6 juillet 2023, pourvoi n° 22-15.923


Relations commerciales : rupture et préavis  

Une agence effectue durant environ 4 ans des prestations au profit de plusieurs sociétés d'un même groupe. Celles-ci l'ayant informée de leur volonté de confier la réalisation de ces prestations à un tiers, l'agence demande l'application du préavis de 6 mois prévue par les conditions générales de vente. Mais la relation est rompue sans respecter ce délai. 
Saisie du litige, et contrairement aux juges du fond, la Cour de cassation rappelle que rien n'empêche les parties de prévoir, par contrat, le préavis à respecter en cas de rupture de la relation, dès lors que cette clause ne dispense pas le juge de vérifier que le délai de préavis contractuel tient compte de la durée de la relation commerciale ayant existé entre les parties et des autres circonstances. Par ailleurs, elle juge qu’en présence d'un préavis contractuel répondant aux exigences précitées, le juge ne peut fixer un délai inférieur à celui que le contrat prévoit.

Cour de cassation, chambre commerciale, 28 juin 2023, pourvoi n° 22-17.933


Bail commercial : à qui la charge du ravalement des locaux ? 

Une société signe un protocole d’accord par lequel elle s’engage à exécuter la totalité du ravalement de l’immeuble qu’elle loue à titre commercial. Vingt-cinq ans plus tard, un arrêté enjoint aux propriétaires de l'immeuble de procéder au ravalement. En assemblée générale, ces derniers votent alors la réalisation des travaux puis demandent qu'ils soient mis à la charge de la locataire. En vain. Saisie du litige, la Cour de cassation juge que la clause du bail mettant le ravalement à la charge du locataire commercial ne suffit pas à faire peser sur lui le coût de ce ravalement lorsque celui-ci, même décidé en assemblée générale des copropriétaires, a été dicté par une injonction de l’autorité administrative. Par cette décision, les Hauts magistrats font donc une interprétation restrictive des clauses qui transfèrent au locataire commercial la charge des obligations qui incombe normalement au bailleur.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 15 juin 2023, pourvoi n° 21-19.396


Contrôle Urssaf et régularité de la procédure

A la suite d’un contrôle Urssaf, une société se voit notifier, selon lettre d’observation puis mise en demeure, un redressement. Faisant valoir que le procès-verbal de contrôle avait été établi avant l'envoi de la réponse de l'inspecteur du recouvrement, l’entreprise sollicite en justice la nullité du contrôle. En vain. Selon l'article R 243-59 du Code de la sécurité sociale, l'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de celle de l'inspecteur du recouvrement. Or, dans cette affaire, la réponse de l'agent de contrôle avait bien été adressée à la société avant la mise en recouvrement du redressement par la notification de la mise en demeure. Dès lors, la nullité de la procédure de contrôle ne saurait être encourue, la circonstance que le procès-verbal de contrôle, destiné seulement à informer l'organisme chargé de la mise en recouvrement, ait été établi avant l'envoi de cette réponse n'ayant pas d'incidence sur la régularité des opérations de contrôle.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 7 septembre 2023, pourvoi n° 21-20.524

Cession de contrôle : attention à la solidarité 

Des associés cèdent l’intégralité des parts qu’ils détiennent au sein d’une société pour un prix déterminé, sur lequel le cessionnaire paye un acompte. Le contrat de cession stipule que le prix pourra faire l’objet d’une variation à la baisse, en fonction de la situation comptable intermédiaire de la société cédée. La situation comptable établie par une société d’expertise comptable ayant fait apparaître des capitaux propres négatifs de 963 999 €, le cessionnaire soumet aux cédants un projet de prix définitif à hauteur de 1 € et sollicite le remboursement de son acompte, soustraction faite du prix définitif. Les juges font droit à cette demande. Une partie des cédants, solidairement condamnés à payer la somme due, contestent alors la solidarité de cette condamnation. En vain. Dans le cadre de conventions emportants cession de contrôle d'une société commerciale présentant un caractère commercial, peu important qu'elles ne soient pas conclues entre commerçants, les obligations contractées par les vendeurs s'excéutent solidairement.  
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Cour de cassation, chambre commerciale, 30 juillet 2023, pourvoi n° 22-10.466


Quand une entreprise est condamnée au paiement d'une amende 

Pour avoir eu recours aux services d’un travailleur dissimulé, une société en liquidation judiciaire est condamnée au paiement d’une amende de 20 000 €. A l’appui de leur décision et pour justifier le montant de la peine, les juges font valoir que la société réalisait un chiffre d’affaires de plus de 2 millions d’euros avant l’ouverture de la procédure collective. Saisie du litige, la Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle que le montant de l’amende doit être motivé en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle, dont ses ressources et charges, au jour où la juridiction statue. Dès lors, en appréciant les ressources de la société, non au jour du jugement, mais à une date antérieure à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, les juges ont méconnu ce principe.

Cour de cassation, chambre criminelle, 10 mai 2023, pourvoi n° 22-80.375

Faillite et protection du logement

L'exploitante d'un commerce de vente de bijoux situé en Guadeloupe est placée en redressement puis en liquidation judiciaires. À la demande du liquidateur, le juge ordonne la vente aux enchères d'un bien immobilier possédé dans le Val d'Oise par la commerçante. Cette dernière s’y oppose, faisant valoir qu’il s’agit de sa résidence principale. En vain. Bien que la résidence principale de l’entrepreneur individuel soit protégée en cas de poursuite des créanciers professionnels, encore faut-il que l'entrepreneur ait la capacité de prouver qu'il y habite. Or, dans cette affaire, il se trouve que, d'une part, la commerçante exploitait directement le fonds de commerce en Guadeloupe et, d'autre part, qu'elle n'a jamais versé de taxe d'habitation au titre de l'immeuble, cette taxe ayant été émise au nom de locataires. Dans ces conditions, le liquidateur obtient gain de cause puisque c'est à l'entrepreneur de prouver qu'il habitait bien dans l'immeuble saisi.

Cour de cassation, chambre commerciale, 14 juin 2023, pourvoi n° 21-24.207


Guichet électronique : procédure de secours

Depuis le 1er janvier 2023, les entreprises doivent en principe réaliser leurs formalités de création, de modification et de cessation d'activité de façon dématérialisée, sur le site du guichet unique électronique des formalités d'entreprises, qui a remplacé les anciens centres de formalités des entreprises. Une procédure dérogatoire, dite « de secours », a été instaurée afin d'assurer la continuité du service en cas de difficulté grave de fonctionnement du guichet unique (article R 123-15 du Code commerce). Conformément à l’annonce faite par le Gouvernement, un arrêté du 27 juin 2023 est venu proroger jusqu’au 31 décembre 2023 ce dispositif de secours afin de sécuriser au maximum les démarches des entreprises. Ainsi, et jusqu'à la fin de l'année, les formalités de modification ou de radiation peuvent donc continuer à être effectuées via le site Infogreffe ou sous format papier. 

Arrêté PRMX2316677A du 27 juin 2023 


Redressement ou liquidation judiciaire :  l’AGS ne peut imposer de contrôle 

L'association de garantie des salaires (AGS) est sollicitée par le liquidateur judiciaire d’une entreprise pour procéder au versement des sommes nécessaires au paiement des salaires et des heures supplémentaires dus aux employés de l'entreprise (article L 3253-20 du Code du travail). L'institution de garantie commence alors par réclamer du liquidateur qu’il démontre que les fonds dont dispose l'entreprise sont insuffisants pour rémunérer les employés, puis finit par refuser de garantir les salaires. Cette attitude est sanctionnée par la Cour de cassation qui rappelle qu'aucun contrôle a priori n'est ouvert à l'AGS. Ainsi, lorsqu'une entreprise se trouve en état de cessation des paiements, l’AGS est tenue de verser aux employés les sommes prévues en garantie des salaires sur simple présentation d'un relevé des créances salariales établi par le mandataire judiciaire.

Cour de cassation, chambre commerciale, 7 juillet 2023, pourvoi n° 22-17.902

Quand un associé commet un abus d’égalité

Deux associés constituent, à parts égales, une société par actions simplifiée (SAS) dont les statuts prévoient que les décisions collectives doivent être prises à l'unanimité. Lors d’une assemblée générale, l’un des associés refuse de voter une résolution tendant à la conclusion d’un contrat de nature à permettre la poursuite de la réalisation d’une opération essentielle pour la SAS. Faute d’accord entre les associés, le marché est finalement conclu avec une autre société dans laquelle l’associé, qui s’était opposé à l’adoption de ladite résolution, est intéressé. Pour les juges, cette situation n’est pas constitutive d’un abus d’égalité car en optant, statutairement, pour la règle de l'unanimité, les associés ont, de fait, accepté l'hypothèse d'une mésentente conduisant à un blocage du fonctionnement de leur structure« Faux », rétorque la Cour de cassation ! Constitue bien un abus d’égalité le fait, pour un associé de SAS à parts égales, d’empêcher, par son vote négatif, une opération essentielle pour la société, dans l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’autre associé.

Cour de cassation, chambre commerciale, 21 juin 2023, pourvoi n° 21-23.298


Bail commercial et consignation de loyer

Un bailleur donne en location un local à usage commercial, dans un immeuble soumis au statut de la copropriété. Puis, reprochant au locataire divers manquements contractuels, il l’assigne devant les tribunaux en résiliation du bail, expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation. En réponse, le locataire sollicite l'autorisation de procéder à la consignation des loyers pour inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance, à raison d'infiltrations d'eau dans les locaux. Les juges font droit à cette dernière demande mais leur décision est censurée par la Cour de cassation. Au visa de l’article 1719 du Code civil, les Hauts magistrats rappellent que l’exception d’inexécution ne peut être retenue que si le trouble invoqué rend le bien loué impropre à l’usage auquel il est destiné. Or, ici, il n’était pas démontré que les infiltrations alléguées avaient joué un tel rôle. 

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 6 juillet 2023, pourvoi n° 22-15.923

Infraction avec un véhicule de société : précision 

Depuis le 1er janvier 2017, lorsqu'une infraction routière constatée par un appareil de contrôle automatique a été commise avec un véhicule immatriculé au nom d’une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer dans un délai de 45 jours à compter de la remise de l'avis de contravention, l'identité du conducteur. A défaut, la contravention de non-désignation est constituée. Dans une récente affaire jugée par la Cour de cassation, une société avait procédé à cette désignation, mais l’auteur désigné contestait être le conducteur responsable de l’infraction. L’entreprise avait alors répondu ne pas être en mesure de savoir qui était le conducteur au moment des faits puisqu’elle ne tenait aucun registre. Ce manque de rigueur lui vaudra d’être condamnée au paiement de la contravention de non-désignation car, selon les Hauts magistrats, l’obligation de désignation du responsable de l’infraction qui pèse sur la société n’est remplie que si la désignation de la personne physique qui conduisait effectivement le véhicule au moment des faits repose sur des éléments probants.

Cour de cassation, chambre criminelle, 6 juin 2023, pourvoi n° 22-87.212


Scission d'entreprise : de l’intérêt de bien effectuer les formalités de publicité

Un salarié licencié par une société agit contre elle en paiement de diverses indemnités. Le salarié, qui obtient en justice la condamnation de cette société après que celle-ci a été scindée entre deux sociétés et radiée du registre du commerce et des sociétés, demande que le montant de la condamnation soit recouvré sur l’une des sociétés bénéficiaires de la scission. Cette dernière s’y oppose, en faisant valoir que le passif prud’homal de la société scindée n’avait pas été mis à sa charge par le projet de scission. En vain. Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle qu’une société bénéficiaire d’une scission ne peut pas opposer aux tiers les modalités de l’opération contenues dans le projet de scission si celui-ci n’a pas fait l’objet d’une publicité au Bodacc de la part de la société scindée. Or, en l’espèce, la société poursuivie en recouvrement forcé ne justifiait que d’une seule publication du projet au Bodacc, accomplie par elle-même et par l’autre société bénéficiaire de la scission.

Cour de cassation, chambre commerciale, 11 mai 2023, pourvoi n° 21-17.644


Loyers commerciaux et Covid 19 : la Cour de cassation confirme 

Sollicitée une nouvelle fois sur le sujet, la Cour de cassation est venue reprendre sa jurisprudence antérieure et confirme, sans surprise, que les locataires de locaux commerciaux doivent payer les loyers dus pendant les périodes de confinement. Les hauts magistrats rappellent en effet que la mesure d'interdiction de recevoir du public prise pendant la crise sanitaire n'a pas entraîné la perte des locaux loués, n’a pas constitué une inexécution de leur obligation de délivrance par les bailleurs et ne peut pas être invoquée au titre de la force majeure par les locataires. Ainsi, est laissé à la charge du locataire le risque lié à l'empêchement provisoire de bénéficier de son local commercial. La sévérité des solutions retenues en ce qui concerne les locataires peut être justifiée par l'importance des aides publiques dont ces derniers ont pu bénéficier, ainsi que par les mesures de droit dérogatoires adoptées en leur faveur.

Cour de cassation, chambre commerciale, 15 juin 2023, pourvoi n° 21-10.119


Responsabilité pour insuffisance d’actif : rappel !

Une société est mise en redressement judiciaire, sans désignation d'un administrateur judiciaire. La procédure est ensuite convertie en liquidation judiciaire. Le liquidateur agit alors contre le dirigeant en responsabilité pour insuffisance d'actif, lui reprochant notamment d'avoir poursuivi l'activité déficitaire de la société après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire. La Cour de cassation rejette cette demande. Elle rappelle en effet que seules les fautes de gestion antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective peuvent être prises en compte pour justifier la condamnation en comblement de passif. Lorsque la liquidation judiciaire d'un débiteur est prononcée au cours ou à l'issue de la période d'observation d'un redressement judiciaire, le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire n'ouvre pas une nouvelle procédure. Par conséquent, aucune sanction ne peut être prononcée en raison de fautes commises pendant la période d'observation du redressement judiciaire.

Cour de cassation, chambre commerciale, 8 mars 2023, pourvoi n° 21-24.650


Bail commercial, indemnité d’occupation et prescription 

Le bailleur d’un bail commercial signifie le 4 juin 2013 à son locataire un congé avec offre de renouvellement à compter du 1er janvier 2014. Après avoir accepté les conditions du renouvellement ainsi proposé, le preneur finit par y renoncer en exerçant son droit d’option le 30 juin 2015 pour quitter les lieux le 31 décembre 2015. Le bailleur agit alors contre le locataire en paiement d'une indemnité d'occupation pour la période ayant couru depuis la délivrance du congé jusqu'à la libération des lieux. Mais pour le locataire, cette action est irrecevable du fait de la prescription biennale prévue par l’article L.145-60 du Code de commerce. En vain. Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle que l'indemnité d'occupation due, en cas de maintien dans les lieux, par le locataire ayant exercé son droit d'option est une indemnité d'occupation de droit commun soumise à la prescription quinquennale. Cette indemnité ne relève du statut des baux commerciaux (et donc de la prescription biennale) que pour la période ayant précédé l’exercice du droit d’option parle locataire. 

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 16 mars 2023, pourvoi n° 21-19.707


Société en formation et concurrence déloyale

Un salarié licencié constitue, quelques semaines plus tard, une société par actions simplifiée (SAS) dans le même secteur d’activité que son ancien employeur. Avant son départ, il avait transféré, de sa boite mail professionnelle vers sa boite mail personnelle, des documents commerciaux de son ancienne entreprise. S’apercevant du vol des données, l’ex-employeur a alors assigné devant la justice la SAS pour concurrence déloyale. En vain. Saisie du litige, la Cour de cassation censure la décision des juges du fond qui avait retenu la responsabilité de la SAS. Elle rappelle que la faute d’une société résultant de celle de ses organes, sa responsabilité ne peut être engagée si elle n’était ni constituée, ni immatriculée à la date des faits litigieux commis par celui qui n’en était pas encore dirigeant.

Cour de cassation, chambre commerciale, 17 mai 2023, pourvoi n° 22-16.031

Retrait de l'associé d'une SCI 
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L’associé d’une SCI obtient un accord de retrait de l’assemblée générale de la société et un expert désigné évalue ses droits sociaux à une certaine somme. Plusieurs semaines plus tard, il fait notifier son intention, valant demande d’agrément, de céder ses parts à une autre SCI, ce que sa société refuse. Saisis du litige, les juges donnent raison à la SCI. Cette décision est confirmée par la Cour de cassation. L’associé, qui s’était engagé dans une procédure de retrait avec rachat de ses parts, acceptée par la SCI, et dont l’échec n’a pas été constaté, était dès lors tenu de mener à son terme cette procédure. En conséquence, la procédure de cession desdites parts à un tiers, initiée par l’associé en méconnaissance de la procédure de retrait en cours acceptée par la SCI, doit être annulée.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 25 mai 2023, pourvoi n° 22-17.946


De la responsabilité de l'expert-comptable

Une personne physique associée d’une société à responsabilité limitée vient à en détenir toutes les parts sociales. A cette occasion, l’expert-comptable de la société omet de lui signaler qu’à défaut d’option pour le maintien du régime de l’impôt sur les sociétés, les bénéficies seront dorénavant imposables à l’impôt sur le revenu. Dans ce contexte, l’associé fait l’objet d’un redressement fiscal. Il réclame alors à l’expert-comptable des dommages-intérêts d’un montant égal au redressement (plus de 260 000 €). Les juges font droit à cette demande, tout en soustrayant de cette somme l’impôt sur les sociétés indûment payé par la société et remboursé à celle-ci par l’administration fiscale. Leur décision est toutefois censurée par la Cour de cassation : le principe de la réparation intégrale du préjudice oblige en effet à placer celui qui l’a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n’avait pas eu lieu !

Cour de cassation, chambre commerciale, 5 avril 2023, pourvoi n° 20-19.276

Bail commercial et clause d'agrément 

Dans le cadre de la liquidation judiciaire d’une entreprise, le liquidateur est autorisé par le juge-commissaire à vendre de gré à gré le fonds de commerce de l’entreprise avec le bail commercial. Le bailleur s’y oppose, faisant valoir que son agrément à la cession était requis en vertu du bail. Les juges écartent l’argument et ordonnent la cession, estimant que la clause du bail imposant l'agrément du bailleur pour toute cession du bail ne s'appliquait pas en cas de cession de fonds de commerce. Saisie du litige, la Cour de cassation censure cette décision. La cession du droit au bail, seule ou même incluse dans celle du fonds de commerce, autorisée par le juge-commissaire, se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d'ouverture, à l'exception de la clause imposant au cédant des obligations solidaires avec l'acquéreur. En conséquence, le bailleur peut bien se prévaloir de la clause du bail qu’il revendiquait.

Cour de cassation, chambre commerciale, 19 avril 2023, pourvoi n° 21-20.655


Actes non repris par une société en formation

Une personne physique prend en location des locaux commerciaux au nom d’une société en formation dont elle va devenir le gérant. Après son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, la société, qui a régulièrement repris le bail, agit en garantie contre un entrepreneur auquel son futur gérant avait confié la réalisation de travaux d’aménagement des locaux loués. Mais son action est rejetée en justice. Certes, une société en constitution peut souscrire un engagement en mentionnant expressément que la personne agit au nom et pour le compte de la société en formation. Mais il est alors nécessaire d’annexer aux statuts de la société l’acte réalisé précédemment que celle-ci reprend en son nom. À défaut, l’acte souscrit reste à la charge de la personne l’ayant effectué puisque la reprise d’un acte ne peut être implicite.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 30 mars 2023, pourvoi n° 21-25.920

Délibérations contraires aux statuts d'une SAS : revirement de jurisprudence

Jusqu’à présent, la Cour de cassation jugeait que les décisions prises en violation d'une clause statutaire organisant les décisions collectives d'une SAS ne pouvaient être sanctionnées par la nullité. L'annulation était réservée aux cas de violation de dispositions impératives légales. Cette solution était critiquée dans la mesure où elle affaiblissait la portée des dispositions statutaires. Non impératives, ces règles n'en sont pas moins essentielles au bon fonctionnement de la société et à la sécurité des actes qu'elle prend. Dans une décision très remarquée, rendue en date du 15 mars dernier, La Cour de cassation a donc décidé de modifier sa position. Désormais une violation des statuts pourra être sanctionnée par la nullité lorsqu'elle est susceptible d'influer sur le résultat du processus de décision. En pratique, cela pourra être le cas en l'absence de convocation ou de non-respect des règles de majorité ou de quorum stipulées par les statuts.

Cour de cassation, chambre commerciale, 15 mars 2023, pourvoi n° 21-18.324

Comptes bancaires et obligation de déclaration 
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L’obligation de déclaration des comptes bancaires à l’étranger prévue par les articles 1649 A du Code général des impôts et 344 A de l’annexe III du même Code ne s’applique pas seulement aux comptes dont le contribuable est titulaire, mais porte aussi sur les comptes qu’il a utilisés. Par une nouvelle décision, le Conseil d’État est ainsi venu préciser qu’entre dans le champ de l’obligation déclarative tout compte bancaire ouvert, utilisé ou clos à l’étranger par une personne physique, une association ou une société non commerciale, domiciliée ou établie en France, quel que soit le titulaire du compte, y compris si ce titulaire est une société commerciale.

Conseil d’État, 8ème et 3ème chambres, 8 mars 2023, n° 463267


Redressement judiciaire : du droit de contester une créance !

Une société est placée en redressement judiciaire avec désignation d'un mandataire judiciaire. Elle conteste alors la déclaration de créances de l’Urssaf qui s’ensuit. Pour autant, le juge-commissaire admet la créance litigieuse et cette décision est confirmée par les juges qui considèrent que la société n'est plus recevable à contester cette dernière en raison d'une modification du motif de la contestation. Saisie du litige, la Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle que le débiteur en redressement judiciaire peut exercer un recours contre la décision du juge-commissaire statuant sur la créance contestée, peu important l'objet de la contestation. Autrement dit, dès lors que le débiteur a contesté la créance, quel que soit le motif de cette contestation, il est recevable à invoquer devant les juges un autre motif de contestation.

Cour de cassation, chambre commerciale, 29 mars 2023, pourvoi n° 21-21.258



Condamnation in solidum : gare à la procédure !

Une société, détenue par plusieurs sociétés, est placée en redressement judiciaire et l’ensemble des salariés sont licenciés. Plusieurs salariés assignent les sociétés en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de leur perte d’emploi. Les sociétés, condamnées in solidum, interjettent alors appel de cette décision, à l’exception d’une d’entre elles. Elles finissent par obtenir gain de cause. La Cour de cassation décide cependant que le codébiteur solidaire qui néglige de former appel du jugement l’ayant condamné en première instance ou de se joindre au recours formé par un autre codébiteur, voit le jugement avoir force de chose jugée à son égard. Ainsi, la société qui n’a pas fait appel de sa condamnation devra assurer le paiement des dommages et intérêts réclamés. 

Cour de cassation, chambre commerciale, 1er mars 2023, pourvoi n° 21-14.787

Condamnation à faillite personnelle : rappel !

Le dirigeant d’une société liquidée judiciairement reproche aux juges d'avoir prononcé sa condamnation à une mesure de faillite personnelle. À l'appui de sa démarche, il soutient que cette condamnation ne pouvait intervenir que dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ouverte. Ainsi, en l'ayant condamné postérieurement à la clôture de la procédure de liquidation, les juges auraient, selon lui, violé l'article L.653-1 du Code du commerce. En vain. Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle que la faillite personnelle peut être prononcée dès lors que le tribunal a été saisi en vue de l'application d'une sanction personnelle avant la clôture de la procédure collective, même si le prononcé de la mesure est postérieur à la clôture de la procédure collective. Ces conditions étant remplies en l’espèce, la condamnation est confirmée. 

Cour de cassation, chambre commerciale, 8 février 2023, pourvoi n° 21-22.796

IS : une réclamation par mail est valable !

Une entreprise, pour contester le montant de son impôt sur les sociétés, adresse à son service des impôts une réclamation par mail. Ce courrier restera lettre morte, l’administration fiscale considérant qu’un mail, en l’absence de signature manuscrite de son auteur, ne saurait constituer une réclamation contentieuse. Pour sa défense, l’entreprise fait alors valoir que l’administration fiscale aurait dû l’inviter à signer sa réclamation dans un délai de 30 jours, d’autant plus que cette dernière a accusé réception du mail (dont l’objet indiquait « réclamation contentieuse »), tout en précisant que la demande était prise en compte… Les juges finiront par lui donner gain de cause : force est en effet de constater que l’administration, contrairement à ses obligations, n’a pas invité l’entreprise à signer sa réclamation et, de surcroit, qu'aucune disposition ne s’oppose à ce qu’une réclamation soit formulée par mail…

Cour administrative d’appel de Toulouse, 9 février 2023, n° 20TL03803


Cession d’une filiale en cessation de paiements

Une société mère cède à un repreneur une filiale en état de cessation des paiements. A peine plus d’un mois après cette opération, la filiale en question est placée en liquidation judiciaire. Les salariés licenciés saisissent la juridiction prud'homale afin que leur licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse. Parallèlement, ils assignent la société mère et la société repreneuse, en paiement, in solidum, de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de leur emploi. En vain. Il ne résulte d'aucun texte, ni d'aucun principe qu'une société mère a, lorsqu'elle cède les parts qu'elle détient dans le capital social d'une filiale en état de cessation des paiements, l'obligation de s'assurer, avant la cession, que le cessionnaire dispose d'un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de cette filiale.
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Cour de cassation, chambre commerciale, 1er mars 2023, pourvoi n° 21-14.787


Bail commercial, loyers impayés et Covid
  
En décembre 2017, une SCI donne en location des locaux commerciaux et obtient une garantie bancaire à première demande du paiement des loyers. A compter du mois de mars 2020 et du début du confinement, le locataire ne paye plus ses loyers. La SCI demande alors à la banque de lui régler le montant de la garantie. Le locataire agit en référé pour qu'il soit interdit à la banque de procéder à ce règlement. Il soutient que la mise en œuvre de cette garantie méconnaît le dispositif adopté pendant la crise sanitaire pour protéger les locataires affectés par des mesures de police administrative. La Cour de cassation lui donne raison et juge que la mise en œuvre de la garantie à première demande, malgré une interdiction légale pour les bailleurs de mettre en œuvre les sûretés personnelles garantissant le paiement des loyers pendant la période de fermeture des commerces due au covid-19, caractérise un trouble manifestement illicite.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 25 janvier 2023, pourvoi n° 22-10.648


Signer un pacte d’associés de 99 ans, une possibilité ?

Par acte du 30 janvier 2010, les actionnaires d’une SAS concluent un pacte d’actionnaires. Sept ans plus tard, deux d’entre eux notifient la résolution unilatérale du contrat. Un troisième saisit alors la justice afin qu’il soit jugé que cette résolution, mise en œuvre de manière abusive, était irrégulière et inefficace. Mais les juges le déboutent de sa demande au motif que la durée déterminée du pacte, identique à celle de la société, était d’une durée telle qu’elle convertissait ce contrat conclu pour une durée déterminée en contrat à durée indéterminée, si bien que les parties étaient en droit de le rompre unilatéralement. Saisie du litige, la chambre civile de la Cour de Cassation se rallie à la position de la chambre commerciale de la Cour de Cassation et censure cette décision. Pour les Hauts magistrats, la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’associés pour la durée de vie de la société (99 ans), de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 25 janvier 2023, pourvoi n° 19-25.478

Pluralité de gérants : qui est responsable ?

Une SARL agit en responsabilité contre l’un de ses gérants. A l’appui de sa démarche, elle fait valoir une faute commise par celui-ci dans l’exercice de ses fonctions. Mais pour les juges, cette action ne saurait prospérer. Ils affirment que dès lors que l’intéressé n’était pas le seul gérant, l’action aurait dû être dirigée à l’encontre de l’ensemble des co-gérants. Ce raisonnement est toutefois censuré par la Cour de cassation qui juge que la pluralité de gérants au sein d’une SARL ne fait pas obstacle à ce que leur responsabilité soit engagée de manière individuelle.

Cour de cassation, chambre commerciale, 25 janvier 2023, pourvoi n° 21-15.772

Formalités des entreprises : précisions

Depuis le 1er janvier 2023, les entreprises doivent réaliser leurs formalités de création et de modification en cours de vie sociale ou de cessation d'activité par voie dématérialisée auprès du guichet unique électronique des formalités d’entreprise. Outre les dérogations déjà en vigueur, le greffe du tribunal de commerce de Paris a annoncé qu’il est à nouveau possible, pour les entreprises, d'effectuer les formalités suivantes par un dépôt papier auprès des centres de formalités des entreprises compétents :

  • Pour les personnes physiques, les déclarations de transfert d'entreprise, de transfert d'établissement, d'ouverture d'un nouvel établissement ou de décès de l'exploitant avec poursuite d'exploitation ou demande de maintien provisoire au sein du registre d'immatriculation ;
  • Pour les personnes morales, les déclarations de transfert d'établissement, d'ouverture d'un nouvel établissement, de modification de la forme sociale, de modifications relatives aux dirigeants et aux associés, de dissolution ou de cessation d'activité.

Communiqué du greffe du tribunal de commerce de Paris du 27-1-2023

Liquidation judiciaire et droits du gérant
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Un immeuble appartenant à une société en liquidation judiciaire est mis en vente aux enchères publiques en deux lots. Une société civile immobilière (SCI), dont le gérant est également dirigeant de droit de la société en liquidation, forme une surenchère du dixième sur l'un des lots. Cette surenchère est annulée en justice. La Cour de cassation rappelle en effet que les dirigeants de droit ou de fait d'une personne morale en liquidation judiciaire dont un immeuble fait l'objet d'une adjudication ne sont pas admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre, et ce qu'ils aient ou non l’intention d’agir pour leur compte. 


Cour de cassation, chambre commerciale, 14 décembre 2022, pourvoi n° 20-17.782

Les clauses d’exclusion dans les SAS validées !

Les statuts d’une société par actions simplifiée (SAS) peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions dans les conditions qu’ils déterminent (article L 227-16 alinéa 1 du Code du commerce) Une telle clause ne peut être adoptée ou modifiée que par une décision prise collectivement par les associés dans les conditions et formes prévues par les statuts (article L 227-19 alinéa 2 du Code du commerce). Dans une décision très attendue, le Conseil constitutionnel vient de déclarer ces dispositions conformes au droit de propriété, protégé par la Constitution. Pour les hauts magistrats, les articles L 227-16 alinéa 1 et L 227-19 alinéa 2 du Code de commerce ont pour seul objet de permettre à une SAS d'exclure un associé en application d'une clause statutaire ; s'il en résulte qu'un associé peut être contraint de céder ses actions, ces dispositions n'entraînent donc pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789.

Conseil constitutionnel, 9 décembre 2022, QPC n° 2022-1029


Mésentente entre associés et dissolution judiciaire de la société

Faisant valoir que la mésentente entre les associés paralysait le fonctionnement de la société, l’un des associés de cette société sollicite en justice la dissolution de l’entité sur le fondement de l’article 1844-7 5° du Code civil. En vain. Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel dès lors qu’un mécanisme de voix prépondérantes prévu par les statuts permet de ne pas bloquer les assemblées générales en cas de désaccord entre les associés égalitaires, et que chacun dispose d’un droit de retrait, la mésentente entre associés ne paralyse pas le fonctionnement de la société et ne justifie pas sa dissolution.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 18 janvier 2023, pourvoi n° 19.24-671


Loi de finances : nouvelles mesures fiscales pour les entreprises

Certaines mesures de la loi de finances pour 2023 touchent à la fiscalité des entreprises. Parmi elles, notons la suppression de la CVAE (instaurée en 2010 en remplacement de la taxe professionnelle) sur 2 années à compter de 2023. En pratique, le taux de la CVAE est diminué de moitié en 2023 (la cotisation minimale passant ainsi de 125 € à 63 €), avant que la taxe ne disparaisse en 2024. Par ailleurs, le plafond du taux réduit d’IS est rehaussé. Alors que jusqu’ici, le taux réduit à 15 % s'appliquait (sous conditions) jusqu'à 38 120 € de bénéfices, cette limite est désormais portée à 42 500 €. Enfin, plusieurs crédits d’impôt sont prorogés : formation du dirigeant, investissement en Corse, achat d’œuvres d’artistes vivants, recherche dans le secteur textile-habillement-cuir et le dispositif jeunes entreprises innovantes (JEI). 

Loi de finances pour 2023 n° 2022-1726 du 30 décembre 2022


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Anciens salariés et concurrence déloyale 

Une société, exerçant une activité d’administration d’immeubles, assigne devant les tribunaux une autre société, créée par deux de ses anciens salariés, en concurrence déloyale. Elle lui reproche d’avoir illicitement démarché sa clientèle et détourné son fichier clients. Les anciens salariés en question n’étaient pas liés par une clause de non-concurrence. Elle finira par avoir gain de cause. Le fait, pour une société à la création de laquelle a participé le salarié d’une société concurrente, de débuter son activité avant le terme du contrat de travail du salarié constitue un acte de concurrence déloyale. Il en est de même, lorsque cette société détient des informations confidentielles relatives à l’activité du salarié et obtenues par lui pendant l’exécution de son contrat de travail.

Cour de cassation, chambre commerciale, 7 décembre 2022, pourvoi n° 21-19.860 


Requalification d’un bail en bail commercial

Une société donne en location pour une durée de sept années un terrain nu supportant une station de lavage décrite comme entièrement démontable. Lorsque à l’issue de ce délai, la bailleresse donne congé à la locataire et l’assigne, un an plus tard, en expulsion et paiement d’une indemnité d’occupation, la locataire se défend et sollicite l’annulation du congé. A l’appui de sa démarche, elle se prévaut des dispositions de l’article L. 145-15 du Code de commerce qui prévoit que sont réputées non écrites les clauses qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement. En vain. Pour la Cour de cassation, l’article L.145-15 du Code de commerce n’est pas applicable à une demande en requalification d’un contrat en bail commercial. Dès lors, la demande de la locataire est prescrite puisque l’action en requalification d’un bail en bail commercial est soumise à la prescription biennale, laquelle court à compter de la date de la conclusion du contrat.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 7 décembre 2022, pourvoi n° 21-23.103


Quand le gérant est caution de la société

Pour tenter d’échapper à ses obligations, le gérant d’une société, qui s’était porté caution d’un emprunt bancaire souscrit par celle-ci, se défend en prétendant que la banque ne l’a pas préalablement mis en garde contre les risques attachés à son engagement. En vain. Après avoir relevé que la caution avait occupé pendant près de 25 ans un poste de cadre dans la fonction d'expert achats, au sein d'une grande enseigne de la distribution ; que, sur son profil LinkedIn, elle indiquait être titulaire d'une maîtrise en sciences économiques et gestion, disposer de compétences en management, en gestion d'équipe et négociations et avoir, au titre de son expérience en qualité de responsable achats au sein de l'enseigne, piloté et arbitré différents marchés sur un plan commercial et financier, les juges en concluent qu’elle était une caution  avertie. A ce titre, la banque n'était donc pas tenue à son égard d'un devoir de mise en garde. Cette décision est confirmée par la Cour de cassation.

Cour de cassation, chambre commerciale, 9 novembre 2022, pourvoi n° 20-18.264

Paiement de la CFE avant le 15 décembre ! 

La date limite pour régler la Cotisation foncière des Entreprises (CFE) est fixée, cette année, au 15 décembre prochain. Le paiement doit obligatoirement s’opérer par voie dématérialisée sur l’espace professionnel du site www.impots.gouv.fr. Pour rappel, la CFE est en principe due par les entreprises et les particuliers qui exercent à titre habituel une activité non salariée au 1er janvier de l’année d’imposition, quels que soient leur statut juridique, leur activité ou leur régime d’imposition (micro-entrepreneurs, professions libérales, dirigeants de société…). Toutefois, certains d’entre elles et d’entre eux bénéficient d’une exonération. A noter enfin que les entreprises ayant opté pour le prélèvement mensuel ou à l’échéance n’ont toutefois aucune démarche à accomplir car le paiement de la somme due s’effectue automatiquement.

SARL : l’exclusion de l’associé confirmée !

Les statuts d'une SARL à capital variable stipulent que tout associé peut être exclu pour justes motifs par une décision des associés réunis en assemblée générale statuant à la majorité fixée pour la modification des statuts. Lors de l'assemblée générale de la société, les associés votent l'exclusion d'un associé. Invoquant l'absence d'indication, dans les statuts de la société, des motifs d'exclusion d'un associé, celui-ci assigne la société en annulation de la clause d'exclusion. En vain. Au visa de l’article L 231-6 alinéa 2 du Code du commerce, les juges rappellent qu’est licite une clause des statuts d'une société commerciale à capital variable stipulant que tout associé peut être exclu de la société pour justes motifs par une décision des associés réunis en assemblée générale statuant à la majorité fixée pour la modification des statuts, quand bien même cette clause ne précise pas les motifs d'exclusion.

Cour de cassation, chambre commerciale, 9 novembre 2022, pourvoi n° 21-10. 540